Institut des
NanoSciences de Paris
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Acoustique pour les nanosciences

Acoustique cohérente : le terahertz est franchi !

Réaliser des émetteurs et récepteurs d’ondes acoustiques cohérentes (phonons) qui puissent fonctionner à haute fréquence est une voie de recherche active. Atteindre le domaine de fréquence du terahertz, (THz), correspondant dans les solides à des longueurs d’onde typiques de quelques nanomètres, permettrait notamment de faire de l’imagerie acoustique de nanostructures. Ces phonons acoustiques à de telles énergies, interagissent avec les excitations électroniques et permettent d’envisager une nouvelle spectroscopie des propriétés électroniques des nanostructures semi-conductrices, voire un contrôle de leurs propriétés optiques par des impulsions acoustiques. Des chercheurs de l’INSP ont fait un pas important dans cette direction en utilisant des super-réseaux qui ont permis de franchir pour la première fois le cap du terahertz !

Huynh, A., Perrin, B., Jusserand, B. & Lemaître, A. « Terahertz coherent acoustic experiments with semiconductor superlattices ». Applied Physics Letters 99, 191908 (2011).

 

L’alliance des lasers femtosecondes et des techniques pompe-sonde a fait naître il y a une vingtaine d’années, le domaine de l’acoustique picoseconde, qui a permis les premières études acoustiques au-delà de 100GHz. Un moyen classique d’obtenir des hautes fréquences en acoustique picoseconde est d’utiliser un film mince métallique qui génère, après absorption d’une impulsion laser femtoseconde « pompe », une impulsion acoustique brève. Le même film métallique permet ensuite de détecter les échos induits par l’impulsion acoustique brève, grâce à la mesure du changement de réflectivité d’une impulsion laser « sonde », dû à la modification des propriétés optiques par le passage de l’onde acoustique et du déplacement de surface induit. On peut alors émettre et détecter des impulsions acoustiques dont le contenu fréquentiel peut atteindre 250 GHz.

Mais les chercheurs de l’INSP, souhaitaient effectuer une expérience d’acoustique au THz, c’est-à-dire émettre, faire propager sur une grande distance, puis détecter des ondes cohérentes à 1 THz avec d’autres transducteurs que les films métalliques.

La solution retenue par l’équipe est l’utilisation de super-réseaux, se présentant comme un empilement périodique d’une bicouche, dont les matériaux constitutifs offrent des impédances acoustiques différentes. En outre, ces chercheurs avaient déjà montré qu’ils étaient de bons générateurs quasi monochromatiques, dont la fréquence des phonons émis est imposée par la périodicité de l’empilement. A l’époque, l’utilisation de films métalliques n’avait pas permis de sonder des fréquences émises très élevées [1,2].

Ici, les membres de l’INSP ont étudié un échantillon constitué de part et d’autre, d’un substrat de GaAs, de deux super-réseaux AlAs/GaAs, dont la croissance a été assurée par Laboratoire de Photonique et de Nanostructures. L’un joue le rôle d’émetteur, générant des phonons, préférentiellement avec le vecteur d’onde q = 0, à une fréquence de 1 THz si la période du superréseau est de 5 nm ; l’autre, permet, après propagation dans le substrat, de détecter les phonons émis.

Le processus de détection faisant intervenir une règle de conservation sur les vecteurs d’onde, seuls les modes de phonons qui satisfont q = 2 k (k : vecteur d’onde de la lumière) seront détectés. Un super-réseau différent doit donc servir de détecteur !

Ce second super-réseau présente en fait, un gradient d’épaisseur, ce qui permet d’ajuster sa période. La position du faisceau-sonde sur l’échantillon permet alors d’optimiser la détection des phonons générés. L’échantillon est maintenu à une température de 15K, afin de rendre négligeable l’atténuation des ondes acoustiques.

 

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Dans ces conditions, l’équipe a pu montrer que des trains d’ondes monochromatiques de 1 THz étaient générés, se propageaient sur 350 microns et étaient détectés de l’autre côté du substrat. Il a été ainsi possible de mettre en évidence la dispersion de vitesse des ondes acoustiques induite par la nature discrète du réseau cristallin et de déduire précisément ce paramètre, grâce à la mesure du retard entre les ondes à 1 THz et celles de basse fréquence.

 

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(a) Signal temporel . t0 est le temps d’arrivée du signal acoustique après traversée de l’échantillon. On voit principalement une oscillation, qui correspond à l’oscillation Brillouin à 50 GHz.
(b) Zoom sur une période de l’oscillation Brillouin, où l’on distingue l’oscillation plus rapide à 1 THz.
(c) Filtrage fréquentiel autour de 1 THz ; on remarque le retard δt accumulé pendant la propagation par rapport à la basse fréquence Brillouin.

 

Pour en savoir plus

Huynh, A., Perrin, B., Jusserand, B. & Lemaître, A. « Terahertz coherent acoustic experiments with semiconductor superlattices ». Applied Physics Letters 99, 191908 (2011).

Les perspectives ouvertes par ce travail sont nombreuses, avec en premier lieu la possibilité d’étudier le libre parcours moyen de phonons acoustiques
THz qui jouent en rôle clé dans les propriétés de transport thermique.

[1] A. Huynh et al. Phys. Rev. Lett. 97, 115502 (2006)
[2] A. Huynh et al. Phys. Rev. B 78, 233302 (2008)