Aux tailles nanométriques et aux fréquences supérieures au gigahertz, l’étude des vibrations de nano-objets individuels est un défi expérimental d’envergure qui stimule une communauté de physiciens. En effet, l’observation de ces vibrations acoustiques permet de sonder les limites de validité des modèles de mécanique macroscopiques. Par ailleurs, les vibrations acoustiques des nano-objets sont de véritables « empreintes digitales » pour caractériser précisément des variations de taille, de forme ou de composition… Certains imaginent même que ces nano-objets pourraient conduire à la conception de microscopes acoustiques de résolution nanométrique. Cependant, jusqu’à présent, les études se limitaient à l’étude de modes de vibrations confinés. Des chercheurs de l’INSP ont su aller au-delà en concevant un système expérimental pour observer la propagation d’ondes acoustiques dans des nano-objets. |
Afin d’observer la propagation d’ondes acoustiques gigahertz dans des nano-objets, nous avons fabriqué des « nano-ponts » d’or par lithographie électronique dans la salle blanche de l’INSP (Figure 1). Ces structures, de section rectangulaire, mesurent 100 nm d’épaisseur, de 200 à 800 nm de largeur et une quinzaine de micromètres de long. Elles sont découplées du substrat de silicium par sous-gravure : suspendues quelques micromètres au-dessus du substrat, les ondes acoustiques ne peuvent pas se dissiper dans le substrat ce qui augmente le facteur de qualité de nos nano-résonateurs.
Les vibrations acoustiques sont générées au moyen d’un laser femtoseconde. Un pulse très court (100 fs) de lumière bleue est absorbé par la structure métallique ce qui provoque la violente mise hors équilibre du nuage électronique qui transmet ensuite son énergie au réseau cristallin induisant un échauffement brutal et une dilatation du nano-objet. Ces vibrations ainsi générées sont ensuite détectées plus loin et plus tard par un autre pulse laser de couleur rouge : les ondes acoustiques modifient l’indice de réfraction du matériau dans lequel elles se propagent ce qui modifie la réflexion du laser. La séparation spatiale entre l’excitation et la détection est gérée grâce à un télescope astucieusement monté sur une platine piézoélectrique. On peut ainsi observer la propagation du paquet d’onde acoustique.
Les propriétés déduites de la propagation apportent une information supplémentaire par rapport aux seuls modes résonnants : avec une résolution spectrale de 0,5 GHz à cause de la forte atténuation dans les nano-objets métalliques, il n’est pas possible d’identifier sans ambigüité si le mode observé est le mode d1, f2 ou s2 (Figure 2.a). En effet, on peut calculer par éléments finis la forme des courbes de dispersion et simuler la façon dont se propagent les différents types de modes (Figure 2.c). En comparant à la fois la propagation de l’enveloppe et de la phase des simulations et de l’expérience, on identifie sans ambigüité que le mode acoustique observé dans le nano-objet à 3,2 GHz est le mode d1, un mode de dilatation de largeur du nano-pont d’or.
La propagation d’ondes acoustiques dans le domaine du gigahertz dans des nano-objets uniques apporte ainsi des informations nouvelles par rapport à la caractérisation des modes confinés. En associant le guidage au confinement des nano-objets, la synthèse de fronts d’onde à des tailles nanométrique et à une échelle temporelle picoseconde semble un horizon dorénavant moins lointain.
Références
« Backward Propagating Acoustics Waves in Single Gold NanoBeams »
Cyril Jean ; Laurent Belliard ; Loïc Becerra ; Bernard Perrin
Applied Physics Letters, 107, 193103 (2015)
« Direct Observation of Gigahertz Coherent Guided Acoustic Phonons in Free-Standing Single Copper Nanowires »
Cyril Jean ; Laurent Belliard ; Thomas W. Cornelius ; Olivier Thomas ; Maria-Eugenia Toimil-Molares ; Marco Cassinelli ; Bernard Perrin
The Journal of Physical Chemistry Letters, 5(23), 4100-4104 (2014)
Contacts
Cyril Jean
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