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Mesurer les excitations magnétiques d’un cristal magnonique

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Dans un matériau ferromagnétique, une excitation peut produire un mouvement de précession des moments magnétiques à des fréquences supérieures au GHz. Cette excitation peut être de la lumière (diffusion Brillouin), électromagnétique (résonance ferromagnétique), électrique (transfert de spin) ou acoustique. Lors de la précession, les moments magnétiques peuvent bouger en phase (vecteur d’onde k=0) ou avec un certain déphasage (vecteur d’onde k≠0). Dans ce dernier cas, on parle d’ondes de spin. Les physiciens s’intéressent depuis peu à la propagation des ondes de spin dans des cristaux magnoniques (analogues aux cristaux photoniques mais présentant une configuration magnétique périodique) pour des applications dans le transport et le traitement de l’information.

Des membres de l’équipe « Croissance et propriétés de systèmes hybrides en couches minces » de l’INSP ont réalisé une étude complète de la dynamique de l’aimantation d’une couche mince de fer implantée d’atomes d’azote qui présente, naturellement, une configuration magnétique périodique et très ordonnée, typique des cristaux magnoniques (Figure 1). Elle porte sur les excitations magnétiques de ce système périodique en fonction du champ magnétique externe à k=0. L’intérêt de cette étude, menée par diffusion Brillouin (en collaboration avec l’université de Pérouse), Résonance Ferromagnétique large-bande (INSP) et par simulations micromagnétiques (Mumax3, INSP) est double : la distribution spatiale des modes excités est étudiée en détail et la sensibilité des techniques expérimentales est discutée à l’aide de règles de sélection. Ce dernier point, très général, permet de mieux profiter de la complémentarité des méthodes spectroscopiques pour appréhender la dynamique des cristaux magnoniques.

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Figure 1
(a) Image MFM prise à rémanence après une saturation suivant la direction [100]. La période des rubans est de l’ordre de 100 nm. (b) Vue de côté des domaines à rubans d’après les simulations par MuMax3. On peut distinguer des régions à aimantation perpendiculaire (e), des domaines de fermeture (g) et des régions à aimantation dans le plan (f, parallèles aux rubans).

Les couches minces de Fe-N, possèdent une anisotropie perpendiculaire qui oblige les moments magnétiques à s’orienter perpendiculairement au plan de l’échantillon en formant des bandes parallèles « up » et « down » (domaines ‘e’ dans la figure 1.b) séparées par des parois de Bloch (domaines ‘f’) et des domaines de fermeture (domaines ‘g’). Grâce à une étude dont nous avons démontré la complémentarité, basée sur la résonance ferromagnétique large-bande et la diffusion Brillouin, nous avons observé un premier ensemble de modes (n-PS) localisés à la surface des bandes de domaines « up » et « down » et qui sont révélés par les mesures de diffusion Brillouin (Figure 2). Ces modes se transforment progressivement en modes d’ondes de spin stationnaires (Perpendicular Standing Spin Wave modes, PSSW) au fur et à mesure que l’on augmente le champ magnétique appliqué dans le plan jusqu’à la saturation. Les simulations par Mumax3 nous permettent de visualiser la distribution spatiale de ces modes.

Une deuxième famille de modes est visible seulement par Résonance Ferromagnétique avec un champ micro-onde parallèle à la direction des bandes de domaines. Ces modes sont localisés dans les bandes de domaines « up » et « down » où l’aimantation locale est perpendiculaire au plan de l’échantillon (les domaines ‘e’ de la figure 1.b) et disparaissent lorsque l’échantillon est à saturation suivant la direction du champ micro-onde.

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Figure 2
(a) Comparaison entre les mesures Brillouin et la simulation micromagnétique pour un champ magnétique Hlong parallèle aux bandes de domaines magnétiques. (b) Distribution spatiale du module de l’aimantation dynamique (simulations Mumax3) montrant les contributions des différents domaines magnétiques aux principaux modes dans une coupe transversale de l’échantillon. Les zones en rouge contribuent majoritairement. Les modes localisés à la surface se transforment au fur et à mesure que l’on augmente le champ magnétique.

Ces études faites à k=0 présentent un intérêt qui va au-delà du système Fe-N car elles permettront de mieux comprendre la propagation des ondes de spin (k≠0) dans des systèmes à rubans, comme FeGa, FePd, NiPd, et les multicouches Co/Fe. En particulier, l’existence de domaines à rubans magnétiques périodiques devrait induire l’apparition de bandes de fréquences interdites dans les courbes de dispersion des ondes de spin, rendant cette structuration magnétique « auto-organisée »intéressante pour la magnonique.

Référence
« Magnetization dynamics of weak stripe domains in FeN thin films : a multi-technique complementary approach »
I. S. Camara, S. Tacchi, L.-C. Garnier, M. Eddrief, F. Fortuna, G. Carlotti, and M. Marangolo
Journal of Physics : Condensed Matter, 29, 465803 (2017)
http://iopscience.iop.org/article/1...

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