Institut des
NanoSciences de Paris
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Oxydes en basses dimensions, fait marquant

Simulation de la nucléation et de la croissance des argiles dans les processus d’altération

La modélisation des interactions eau-roches a pour objectif de prédire les conséquences des déséquilibres thermodynamiques qui se produisent souvent dans les systèmes géochimiques : dissolution irréversible de minéraux et précipitation de phases secondaires. Les premières étapes de nucléation et croissance, bien que particulièrement importantes lorsqu’il s’agit de nano-oxydes ou d’argiles, ont été négligées à ce jour. Elles constituent le cœur de cette étude. L’effet combiné de la thermodynamique et de la cinétique lors de la précipitation de minéraux silicatés alumineux sous diverses conditions initiales est présenté comme exemple d’applications.

Savoir modéliser la précipitation de phases solides qui se forment à partir de solutions aqueuses est crucial tant dans le domaine de la chimie douce, compte tenu de ses nombreuses applications technologiques, que pour la compréhension des processus d’altération de roches dans notre environnement. En ce qui concerne ces derniers, beaucoup d’auteurs se sont attachés à décrire l’étape de dissolution mais peu ont abordé la précipitation de phases secondaires.

Il est vrai que, à l’intérieur de la phase réactante, il est difficile de suivre la formation de nano-oxydes, tels que les argiles (on définit la phase argileuse comme l’ensemble des particules de taille inférieure à 2 microns), en raison de leur faible quantité. Les concepts qui sous-tendent la nucléation et la croissance ne sont pas nouveaux ; ils ont été largement utilisés dans d’autres domaines d’étude. Mais dans le champ de la géochimie, une description complète des premiers stades de nucléation n’a jamais encore été réalisée.

Nous présentons une approche qui rend compte de la nucléation, croissance et/ou résorption de particules solides de composition fixe à partir d’une solution aqueuse. Quand on prépare une telle solution sursaturée par rapport à un minéral donné, la phase solide apparaît tout d’abord sous la forme de petits germes qui grossissent par la suite, comme l’a en premier reconnu Gibbs. Faisant usage de la théorie classique de la nucléation et de lois de croissance fonction de la taille des particules, notre approche inclut un certain nombre de fonctionnalités adaptées à la formation de minéraux argileux simples lors de processus d’altération : formation de particules non-sphériques, nucléation homogène ou hétérogène, diverses lois de croissance, précipitation résultant de la dissolution de minéraux primaires. Elle garde trace de tout l’historique de la population de particules et de son évolution en taille.

Le modèle global est appliqué à la précipitation de minéraux silicatés alumineux en solution aqueuse : halloysite, kaolinite et Ca-Montmorillonite. Elle permet de proposer un scénario robuste pour la précipitation d’halloysite et de kaolinite, en compétition dans deux situations différentes : 1) dans une solution initialement sursaturée ; 2) dans un solution progressivement enrichie par la dissolution d’un granite en condition d’altération. Dans les deux cas, la taille des particules avoisine le micron mais avec des fonctions de distribution de tailles très différentes. On discute l’interaction entre effets thermodynamiques et cinétiques.

 

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Figure 1 : Figure 1 : quantité totale précipitée d’halloysite et de kaolinite à partir d’une solution aqueuse initialement sursaturée. Ces deux minéraux ont même composition chimique Al2Si2O5(OH)4, à leur contenu en eau près. L’halloysite est la plus soluble mais la plus abondante dans la première phase du processus. A plus long terme, la kaolinite qui est la plus stable thermodynamiquement, finit par dominer.

Figure 2 : Figure 2 : trajet parcouru par la composition de la solution aqueuse au cours de la dissolution d’un granite à 25°C, dans un diagramme (Ca,Si,H). Les domaines de stabilité de divers minéraux sont indiqués. Dans une approche purement thermodynamique, la gibbsite, la kaolinite et la Ca-montmorillonite, et seulement elles, seraient successivement produites, ce qui n’est pas le cas lorsque les effets cinétiques sont pris en compte ; en particulier, ceux-ci favorisent l’halloysite initialement.

 

Pour en savoir plus :

Simulation of the nucleation and growth of simple clay minerals in weathering processes : The NANOKIN code
B.Fritz, A. Clément, Y.Amal, C.Noguera
Geochimica et Cosmochimica Acta (2009) 73 p1340-1358