Une onde sonore ou optique suffisamment intense peut soulever des objets solides. Les pinces optiques et acoustiques utilisent des faisceaux focalisés assurant la sélection et la manipulation dans les trois dimensions d’objets individuels. Dans les pinces acoustiques, l’onde focalisée tourne sur elle-même et transmet une rotation à l’objet piégé. Des physiciens de l’INSP et de l’Institut Jean le Rond d’Alembert viennent de donner une explication quantitative des mécanismes à l’origine de cette rotation et en proposent une méthode de contrôle. Il est ainsi possible d’ajouter un degré de liberté à la pince acoustique : positionnement dans les trois directions et orientation sur un axe de la particule. Les chercheurs ont pu aussi montrer que la vitesse de rotation est contrôlable finement. |
Les pinces acoustiques utilisent des ondes hélicoïdales focalisées. Cette structure particulière du front d’onde implique que ces ondes transportent une quantité de mouvement et un moment cinétique. Par conséquent, elles peuvent appliquer des forces et un couple sur une particule élastique. Dans le cas d’une sphère élastique sur l’axe du piège immergée dans un liquide parfait, il n’y a pas de couplage entre le moment cinétique orbital de l’onde et la rotation de l’objet sur son axe. La rotation est donc due aux phénomènes dissipatifs qui se produisent dans le liquide, la couche limite autour de la sphère et dans la sphère.
Pour illustrer ce phénomène, nous avons piégé et manipulé des sphères de polystyrène de 200 à 400 micromètres de diamètre dans l’eau avec des forces maximales de l’ordre de 1 micro-Newton et un couple de 10 pico-Newton mètre. Nos mesures et leur comparaison avec le modèle quantitatif développé montrent que le couple est principalement dû à la dissipation de l’énergie acoustique d’une part, dans la couche limite visqueuse autour de la particule, et, d’autre part, dans la particule elle-même, le polystyrène étant comme de nombreux polymères un matériau visco-élastique. Pour de petites sphères, l’approche classique consiste à ne garder que les deux premiers modes de vibration de la sphère : le monopole et le dipôle. Au contraire, notre modèle tient compte de tous les ordres et montre que le troisième mode, i.e le quadrupôle n’est quasiment jamais négligeable. Il devient même la source dominante de dissipation dès que la taille de la sphère atteint le centième de la longueur d’onde acoustique. Ces résultats dépendent de la nature du fluide, du matériau de la sphère et de la fréquence de l’onde.
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Une sphère de polystyrène piégée et mise en rotation.
En alternant des séquences pour lesquelles le front d’onde tourne dans un sens horaire et anti-horaire, nous avons pu contrôler la vitesse de rotation de l’objet piégé et ceci sans modifier la force appliquée. Cette fonctionnalité offre un degré de liberté de plus pour la manipulation, l’orientation de l’objet sur son axe. Par ailleurs, bloquer la rotation facilite le déplacement de l’objet. En effet, la combinaison de cette translation avec la rotation induit une force perpendiculaire à la trajectoire (effet Magnus) qui, si elle est trop grande, peut déstabiliser le piège et limiter la vitesse de déplacement. Cet effet est d’ailleurs souvent utilisé au golf ou au football pour donner une trajectoire courbe à la balle.
Les forces appliquées par les pinces acoustiques sont de cinq ordres de grandeur plus élevées à puissance égale que celles des pinces optiques. Il devient ainsi possible d’envisager de manipuler dans les trois directions et d’orienter sur un axe des objets dans des milieux opaques, inaccessibles aux pinces optiques, avec des forces pertinentes pour sonder et étudier des milieux mous et de structure complexe comme les systèmes biologiques.
Référence
« Orbital angular momentum transfer to stably trapped elastic particles in acoustical vortex beams »
D. Baresch, J.-L. Thomas, R. Marchiano, Phys. Rev. Letters 121, 074301 (2018)
https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.121.074301
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Jean-Louis Thomas